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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 juin 1845

5 juin [1845], jeudi, 10 h. ½

Bonjour, mon Victor bien-aimé, bonjour, mon adoré Victor, bonjour, je t’aime. Je viens d’aller dans le jardin porter Cocotte, et j’ai retrouvé sur le sable la trace de ton cher petit pied que l’humidité de la nuit avait conservéea. Je n’ai pas manqué à ma tradition. J’ai mis mon pied dans chaque trace et je me disais à chaque pas : – Mon Toto chéri, as-tu pensé à moi, m’as-tu regrettéeb, as-tu désiré revenir bien vite auprès de ta pauvre Juju quand ton joli petit pied a faitc ces marques sur mon sable ? J’aurais voulu pouvoir enlever chaque empreinte sans les déformer pour les conserver toujours. Je n’ai pris qu’une seule petite pierre qui était restéed plus enfoncée sous le talon de ta botte.
C’est aujourd’hui que le sort de ma pauvre péronnelle se décide [1]. J’espère et je crains. Aussi je voudrais pour beaucoup être à ce soir. Eulalie est venue ce matin. Elle ira à la séance. Il faut dans tous les cas que j’y sois représentée puisque j’ai la poltronnerie de n’y pas aller moi-même. Elle apporte tes mouchoirs pour les broder pendant la séance. De cette façon, elle ne perdra pas son temps et je serai plus tranquille.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, vous êtes resté bien peu cette nuit et cependant, j’étais éveillée comme plusieurs portées de souris. Enfin je vous ai vu, je n’ai pas le droit de me plaindre et je ne me plains pas. Je suis contente, très contente, je suis heureuse, très heureuse. Je serai encore bien plus TRÈS heureuse si tu venais tout de suite. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 259-260
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « conservé ».
b) « m’as-tu regretté ».
c) « as fait ».
d) « était resté ».


5 juina [1845], jeudi soir, 6 h. ½

Depuis que tu as passé le seuil de mon jardin, mon Victor, je suis dans un accès de fureur concentrée qui menacerait de devenir de la rage si les Juju pouvaient l’avoir comme les chiens : spontanément.
Ma péronnelle n’a pas passé son examen et cela par sa faute et le plus bêtement possible, en ne lisant pas sur sa lettre de convocation l’heure à laquelle elle commençait la séance. De sorte que cette demoiselle est arrivée une heure et demie après la séance commencée. M. Dumouchel a essayé de faire consentir à ce qu’on lui fît recommencer la dictée, mais sans succès, ce que je comprends de reste, quoique cela me fâche et me vexe beaucoup. Ce pauvre monsieur a fait tout ce qui dépendait de lui pour faciliter le succès de cette stupide fille et voilà le résultat : il a été probablement et, cette fois comme toujours, le mieux aura été l’ennemi du bien, jusqu’à avancer la séance de deux heures pour éviter l’examinateur si rigide que Claire redoutait. On a été jusqu’à accorder une faute de plus par dictée, CE QUI NE S’ÉTAIT JAMAIS VU. Et tout cela en pure perte. Vraiment, je crois que si elle n’avait pas été accompagnée de deux jeunes filles, je l’aurais battue tant je trouve son étourderie coupable et inepte. Maintenant elle sera appelée dans quinze jours, on ne sait quand [2]. Cela dépendra du nombre de séances qui reste. Vraiment, mon Victor bien-aimé, on n’est pas plus sottement malencontreuse que cette grande fille-là. Plus j’y pense et plus je suis en colère. J’ai bien besoin que tu viennes jeter un peu d’amour et de bonheur sur cette irritante contrariété. En attendant, je rage et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 261-262
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « 6 juin ». La date a été corrigée par une autre main que celle de Juliette.

Notes

[1Claire est convoquée le 5 juin pour passer l’examen pour devenir institutrice, mais elle arrive en retard et ne peut se présenter à cette session. Elle est de nouveau convoquée le 12 juin où elle échoue.

[2Claire passera l’examen pour devenir institutrice le 12 juin suivant, sans succès.

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