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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 juillet [1844], samedi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher adoré, bonjour, mon ravissant petit saint, bonjour, je t’aime. Je prie le bon Dieu pour toi depuis le matin, mon cher bien-aimé, tu devines d’avance tout ce que je lui demande pour toi, pauvre père éprouvé [1] ! Je baise tes pieds avec respect, mon bien-aimé, je t’aime à genoux, mon Victor adoré.
Je te demande pardon, mon cher petit, de ma réception de cette nuit mais j’avais une migraine atroce. Ce matin, à cinq heures, j’avais les charretiers et les gravatiersa qui se disputaient et qui cognaient sous mes croisées ; depuis cinq heures, je ne dors plus. Si cela devait continuer longtemps, je ne sais pas ce que je deviendrais avec la somnolence et les maux de tête excessifs que j’ai cette année. Je pense que cela va cesser bientôt et je tâche d’avoir de la patience. En attendant, je suis bien malheureuse de perdre, par ma faute, les rares occasions de te voir. Je ne sais pas ce que je me ferais, et pourtant, Dieu sait si je souffre le soir quand il faut que je lutte avec le sommeil. Je sais bien que tu ne m’en veux pas, mais moi, je suis inconsolable de perdre une minute le bonheur d’être avec toi. Si tu savais comme c’est vrai, tu me plaindrais, mon cher adoré, et tu tâcherais de me rabibocher dans la journée. Aujourd’hui, par exemple, pour votre bonne fête, vous devriez venir de bonne heure et ne vous en aller que très tard. Hélas ! Je n’ose pas y compter mais je le désire de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 277-278
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « gravattiers ».


20 juillet [1844], samedi soir, 10 h. ½

Tu n’es pas revenu, mon cher bien-aimé adoré, et je vais aller me coucher car je suis lasse. J’ai d’ailleurs en perspective les maçons à cinq heures du matin et quoique tu prétendes qu’il est très sain d’être réveillé à cette heure, je ne suis pas de ton avis quand je me couche à minuit ou à 1 h. Je te dirai, mon cher adoré, que tu n’as jamais mieux réussia de donner le petit bracelet à Claire. Elle est aux anges : la pauvre enfant n’est pas blasée sur ce genre de surprise et je te réponds que celle-ci lui a été fort agréable. Moi-même qui vous parle, je ne fais pas la petite bouche, je suis très contente de MA SURPRISE.
À propos, cette pauvre mère Lanvin m’a apporté deux pots de fleurs. C’est d’autant plus touchant que ces pauvres gens-là ne sont pas heureux, tant s’en faut. Je l’ai pourtant grondéeb, mais j’ai vu que je lui ferais de la peine en insistant. Cette excellente femme t’aime vraiment, j’en suis sûre. J’ai empoché les pots, ils sont à moi et je les garde. Cher bien-aimé, quand je pense que tu as ton pauvre cœur triste, je n’ai plus le courage de rire [2]. Je voudrais être auprès de toi pour prendre ta chère petite tête et pour la baiser, pour te consoler et pour t’adorer. Tu ne sais pas combien je t’aime, mon Victor, tu ne le sauras que plus tard ; alors, tu comprendras combien tu étais ma vie et ma joie. En attendant, je pense à toi, je te désire, je parle de toi, je t’admire et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 279-280
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « réussis ».
b) « grondé ».

Notes

[1Hugo a perdu sa fille Léopoldine, noyée dans la Seine le 4 septembre 1843.

[2Hugo a perdu sa fille Léopoldine le 4 septembre 1843.

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