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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 janvier [1844], dimanche matin, 10 h.

Bonjour, mon Toto chéri. Bonjour, bon beau et bon bien-aimé. Bonjour, mon Toto adoré. As-tu pris un peu de repos cette nuit ? Bernard ne peut pas exiger que tu te tuesa pour tenir ta parole [1] ? Tu paraissais fatigué cette nuit et triste, ou du moins soucieux. J’ai toujours peur, mon pauvre ange, que les forces te manquent pour accomplir tout ce que tu t’es imposé vis à vis de moi. N’oublieb pas mon adoré que ce dont j’ai besoin avant toute chose, c’est ta santé et ton amour. Le reste viendra quand il pourra et comme il pourra. Mais je ne veux pas que tu souffres et je veux que tu m’aimes. Aussi, mon Toto adoré, je te suppliec de te ménager et de m’aimer.
Comment va ton petit bobo ? Vous voyez ce qu’on gagne à bécoter des faumes. Ce sera toujours comme cela et même encore plus fort. Ainsi, voyez si cela en vaut beaucoup la peine. Quand vous voudrez vous guérir vous n’aurez qu’à m’embrasser pendant deux ou trois heures de suite et il n’y paraîtra plus. Peut-être penserez-vous que le remède est pire que le mal que vous ne voudrez pas en user. C’est très probable. À cela je vous répondrai que vous êtes une bête et j’ordonnerai à votre bobo de continuer à croître et à embellir votre existence. Jour Toto, jour mon cher petit o bien aimé, vous êtes mon adoré, je vous aime tout plein mon cœur, tout plein moi et par-dessus les bords. Je vous aime, je vous aime. Je serais bien contente si tu ne souffrais plus, si tu n’étais pas las et triste et si tu venais tout de suite me donner un bon petit baiser d’amour. Quel bonheur !!!! En attendant, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 23-24
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « tue ».
b) « N’oublies ».
c) « suplie ».


7 janvier [1844], dimanche soir, 4 h. ¾

Je suis seule, mon adoré, depuis tantôt. Lanvin est venu chercher ma péronnelle [2] pour la conduire chez son père au hasard car il est certain, ou du moins M. Pradier le dit, qu’il n’a pas de jour ni d’heure pour être chez lui dans ce moment-ci et jusqu’à l’inauguration du monument de Molière [3]. Je n’ai pas voulu empêcher de tenter l’aventure parce que je ne veux en aucune façon avoir à me reprocher de n’avoir pas fait humainement tout ce qui dépendait de moi pour rapprocher l’enfant de son père. Seulement j’ai toujours au fond du cœur la secrète amertume de penser que M. Pradier met autant de soin à éviter les occasions de voir sa fille, que je mets d’empressement à les faire naître et à les saisir. C’est une défiance que j’ai et qui est malheureusement trop fondée.
Mais, mon pauvre adoré, je te harcèle de mes ennuis quand j’ai le cœur plein d’adoration pour toi, pour ton noble caractère, pour ton sublime et ravissant petit être, si beau, si doux, si bienfaisant et si agréable pour tous ceux qui t’entourent. Je ne peux te comparer à aucun homme, toi, tu es un morceau du bon Dieu, sinon le bon Dieu lui-même. Je ne peux pas te dire davantage combien je t’aime, mon bien-aimé, parce que mon amour est autant divin qu’humain. Je t’aime avec la passion d’une femme et avec la sainteté d’un ange que je ne suis pas pourtant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 25-26
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

Notes

[1À élucider.

[3James Pradier réalise les sculptures des deux muses qui accompagnent la statue de Molière et qui décorent le socle du monument. L’inauguration a lieu le 15 janvier 1844.

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