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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 décembre [1843], dimanche matin, 10 h. ½

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher petit homme adoré, bonjour, je t’aime. Quoi qu’il arrive je t’aimerai. Le jour où tu ne m’aimeras plus je mourrai, voilà tout.
Je suis bien trop heureuse de vous donner mon sachet, sachez-le bien. La seule chose qui me gênait, c’était de vous le donner honnêtement sans faire de chagrin à la pauvre péronnelle qui l’avait fait pour moi.
Je ne sais plus à quel saint me vouer au milieu des cris de Jacquot et de Suzanne, c’est à qui des deux hurlera le plus fort. Ce hideux florida [1] est jaloux même de Claire, il ne veut pas que je lui parle, il ne veut pas qu’elle me regarde. C’est très commode et très agréable. Voime, voime. J’aimerais presqu’autant des vers de mademoiselle MARIE. Hélas !...a
Parlons d’autre chose, j’aime mieux cela. Clairette va essayer de rencontrer son père aujourd’hui mais je crois que ce sera peine perdue. La pauvre enfant n’a vraiment pas de chance. Cependant ce n’est pas faute de gentillesse et de désir de lui plaire. Dans ce moment elle est dans une bonne veine de travail et de cœur. C’est dommage que son père soit si peu disposé à l’en récompenser [2]. Malheureusement je n’y peux rien.
Je voudrais, mon Toto chéri, que tu vinsses mettre tes bottes ce matin : il fait très vilain et très humide et les fluxions de poitrine sont très dangereux dans cette saison. Il est inutile de risquer un si gros jeu par paresse. Je veux mon cher petit que vous mettiez vos bottes neuves aujourd’hui. Je le veux, entendez-vous ça et je veux que vous m’aimiez ou je vous tue.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 175-176
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) Les points de suspension courent jusqu’à la fin de la ligne.


17 décembre [1843], dimanche soir, 10 h. ½

Je t’ai à peine vu, mon adoré et cependant j’avais de l’amour plein mon âme à te donner. Je ne sais pas comment cesa gens qui me connaissent viennent toujours en bloc et me laissent seule des mois et presque des années. Il n’y a rien de plus ennuyeux que cette foule dans un petit intérieur comme le mien. Enfin c’est fini grâce à Dieu. Je vais pouvoir t’attendre et te désirer en toute liberté.
La pauvre Clairette n’a pas souri une seule fois aux folâtreries [illis.] de la mère Krafft. Décidément elle est toute triste pauvre enfant, elle n’est pas au bout de ses peines s’il faut qu’elle ait le cœur sensible.
Depuis ce soir on entend tirer des boites d’artifices en l’honneur de la sainte Adélaïde. Je ne veux pas dire qu’il y ait fête chez toi car je sens bien que de longtemps ce mot-là n’aura sa place chez toi mais je veux dire que les petits enfants prolongeront la soirée le plus qu’ils pourront, ce qui sera cause que je te verrai bien tard, mon adoré. Pense à moi, regrette-moi, aime-moi. Tu ne m’aimeras jamais autant que je t’aime et tu ne me regretteras jamais autant que je te désire.
Je baise tes chers petits pieds. Je voudrais prendre ton âme dans un baiser. Je t’adore, mon cher petit bien-aimé, c’est bien vrai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 177-178
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « ses ».

Notes

[1Jacquot, son perroquet, ne sait dire que « Florida ».

[2Pradier et sa femme sont en instance de séparation de corps. Pour mettre toutes les chances de son côté dans le procès, il se fait le plus discret possible au sujet de sa fille naturelle.

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