BnF, Mss, NAF 16324, f. 186-187

Lundi matin, 10 h. ¾

Bonjour, bonjour. Je t’aime. Je n’ai presque pas dormi, mais ça m’est égal de ne pas dormir après des moments aussi charmants que ceux d’hier au soir. Il y a de quoi occuper^a agréablement des nuits et des jours rien qu’à s’en rappeler toutes les circonstances.
Si je ne craignais pas de te paraître monotone, je te dirais tout ce que j’ai dans le cœur ce matin. Mais comme c’est la même chose qu’hier, la même chose qu’avant-hier, la même chose que depuis le premier jour où je t’ai vu, je n’ai rien de nouveau à t’apprendre. Je t’aime si parfaitement, si complètement^b qu’il faudrait un volume aussi gros que l’acte d’accusation du procès monstre [1], rien que pour en donner le sommaire.
Aussi je me borne au titre de l’histoire de mon cœur : je t’aime.
Je voudrais bien te voir, te baiser, baiser tes pauvres yeux malades, contempler ta belle figure et me réjouir avec ton ravissant sourire.

Juliette

On s’est permis de m’envoyer une espèce d’ordure sous la forme de l’agent dramatique. Je m’en plaindrai à M. Gisquet [2].

[Adresse :] :
À mon grand bien-aimé

BnF, Mss, NAF 16324, f. 186-187
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « occupé ».
b) « complettement ».