Vendredi soir, 8 h. ¾
Vous êtes bien gentil, mon cher Toto, de venir de temps en temps m’émietter un peu de bonheur à mes repas. Je vous en remercie de tout mon cœur. La lampe n’est pas encore allumée et c’est à peine si je vois pour vous écrire. Si l’amour que j’ai pour vous sortait de ma plume aussi rayonnant qu’il est dans mon âme, ce serait une clarté éblouissante et qui ferait croire à un incendie.
Tu sais que je t’aime, tu sais que je t’adore et tu sais aussi que je te désire de toutes mes forces. Tu m’as promis de revenir bien vite. Voici déjà trois gros quarts d’heure de cela et tu n’es pas encore venu, ce qui me fait craindre que ce ne soit pour demain cinq heures du matin. Et quoiqu’il soit ravissant de t’avoir avec le jour, j’aimerais encore t’avoir après le crépuscule. Et pour mieux préciser mes désirs et mes besoins : je voudrais ne te quitter jamais.
Pauvre Toto, tu paraissais bien abattu tantôt. J’étais vraiment inquiète de cette courbature qui t’accablait. Mais en regardant ton joli visage et ton sommeil si tranquille, je me sentais pleine de sécurité et d’amour. Mon bon cher Toto, je ne sais pas ce que je deviendrais si je te savais malade loin de moi. Tiens, je ne veux pas penser à cela, je serais trop triste. J’aime mieux te dire que je t’aime, et que je te baise partout.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16324, f. 61-62
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette