Guernesey, 15 mars 1859, mardi, 8 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé ; bonjour et que Dieu te donne aujourd’hui santé, bonheur et joie autant que je te donnerai de ma vie, de mon cœur et de mon âme. Pour commencer, j’espère que tu as passé une bonne nuit. Quant à moi, j’ai dormi comme une marmotte et je me porte très bien ce matin. Aujourd’hui, j’espère que rien ne m’empêchera de copire mon superbe Bivar [1]. J’ai déjà organisé une table volante à cette intention pour ne pas ABÎMER tout de suite ma BELLE table de VELOURS. Justement, j’ai ce qu’il me faut sous la main. Je me suis débarrassée hier de toutes les écritures de la pauvre Suzanne . Malheureusement, je ne me suis pas débarrassée des miennes, ce dont j’enrage. Il faudra bien que je prenne ma plume à deux mains un de ces jours pour répondre à mon brave homme de beau-frère et [à] mon petit crétin de neveu, dont j’ai reçu hier une lettre datée de Iéna (Saxe Weimar) parfaitement stupide et dont je ne me vante que dans le huis-clos de la restitus [2]. Décidément, je crains que ce pauvre enfant ne soit un affreux petit bourgeois, la pire espèce de bête de la création [3]. C’est triste de n’avoir qu’un neveu et qu’il soit manqué. Enfin, Dieu sait ce qu’il fait et moi je sais que je t’aime au delà de toutes comparaisons. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16380, f. 69
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette