Guernesey, 2 mars 1859, mercredi, 8 h.
Bonjour, mon bien-aimé, bonjour d’un seul jet de tendresse de mon cœur au tien. J’espère que tu as passé une meilleure nuit que l’autre, mon pauvre petit homme, et que tes coliques t’ont tout à fait quitté. Il faut que tu sois bien portant, bien reposé et bien gai aujourd’hui pour faire honneur à notre mercredi-gras qui est aussi un des anniversaires de notre bonheur. Il est vrai qu’à ce compte-là, tous les jours de l’année seraient pour moi des jours consacrés et bénis, car il n’y en a pas un que je n’aie rempli de mon amour épuré et sanctifié. Mais aujourd’hui, qui aurait dû être mercredi prochain, c’est le tour de la petite fête profane et c’est pour cela qu’il faut que vous soyez armé en guerre pour tenir tête à mes deux bouteilles de vin et à mon seul gigot contre la bedaine et la goinfrerie académique du correct et puriste QUESNARD . Voilà la DIFFIGULTÉ [1]. Enfin nous ferons de notre mieux. En attendant, je te remercie de ta bonne offre pour Liszta [2]. En supposant que mon neveu n’en puisse pas profiter, son père sera bien touché et bien reconnaissant de cette marque d’intérêt de ta part. Quant à moi, je t’aime tant et tant que cette petite goutte de reconnaissance ne paraît pas dans mon océan de tendresse.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16380, f. 58
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette
a) « Litz ».