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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 janvier [1842], vendredi matin, 11 h. ¼

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon Toto chéri. Comment que ça va ce matin, mon amour ? Moi, ça ne va pas, j’ai passé une nuit presque blanche et depuis ce matin, j’ai les paveurs sous mes croisées qui, outre le bruit qu’ils font, m’asphyxienta de la mauvaise odeur du ruisseau, pouah ! Bonjour mon cher petit [gonenbuck  ?], bonjour mon petit [sarrut ?] je t’aime. Pourquoi n’es-tu pas venu ce matin, mon petit ? Hier ne compte pas et pour cause, il est donc très important que vous veniez bien vite me rabibocher de ce hideux chou blanc d’hier. Il le faut. Il va falloir aussi que je fasse venir M. Triger pour savoir ce qu’il y a [à] faire pour aider la convalescence de Claire à s’achever vite et bien. J’aurais voulu lui envoyer ces 12 F. à cause de l’acquit de la mère Triger, quoique je suppose bien qu’elle ne pense pas que je veuille le lui flouer. Malheureusement, c’est un affreux mois que celui-ci et nous avons peu d’argent de reste. Enfin, je ferai ce que tu voudras. Si le bon Dieu me laissait faire comme je veux, tu ne travaillerais pas jour et nuit pire qu’un pauvre MALSENAIRE [1], tu aurais tes petits pieds bien chauds, tes beaux yeux bien calmes, et ta belle petite tête bien reposée. Quand je pense à tes nuits et à tes jours, je n’ai plus le courage de rire, mon adoré, car je te plains autant que je t’admire et que je t’aime. Tu es mon pauvre petit adoré petit homme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 59-60
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « asphixient ».


21 janvier [1842], vendredi soir, 5 h. ¾

Si tu m’es bien fidèle et si tu m’aimes, je te le rendsa pareillement et au centuple, mon cher bien-aimé de mon cœur. Mais pourquoi donc viens-tu si tard, mon Dieu ? Je sais bien que tu travailles, mon pauvre homme dévoué et courageux, mais il me semble dans mon désir de te voir que tu pourrais venir plus souvent et rester plus longtemps. Si c’est une illusion elle est bien pardonnable puisque c’est amour et impatience de voir et d’embrasser mon cher petit Toto adoré ! Ma Clarinette est toujours bien gentille mais elle mange de moins en moins, ce qui me forcera à faire venir le sieur Triger très prochainement. Aujourd’hui, j’ai vu penaillon à qui j’ai rendu son calicot en lui en reprenant un autre coupon qui me complèteb 3 draps au lieu de deux, mais cela nous endette de 45 F. vis-à-vis d’elle. Si cela n’avait pas été aussi urgent, j’aurais attendu à un autre moment pour le lui acheter mais j’en ai un tout déchiré dans mon lit et les autres ne valent pas mieux et sont inracommodables. Tu peux t’en rapporter à moi là-dessus mon cher ange car je me ferais plus qu’un cas de conscience d’augmenter sans nécessité le poids énorme de ce mois-ci.
Je t’aime, mon Toto adoré, je t’aime de toute mon âme. Mais viens, viens, je t’en prie. Voilà Claire qui éclate de rire devant les quatre Dieux Glouton, Goulu, Goinfre et Gouliaff. Moi je vous désire et je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 61-62
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « rend ».
b) « complette ».

Notes

[1Expression empruntée à la quatrième lettre du Rhin ou Victor Hugo rapporte des dialogues entendus lors de changements de chevaux entre Mézières et Givet : « Il travaille toujours. Il travaille pire qu’un malsenaire », prononciation déformée de mercenaire, Le Rhin, volume « Voyages », Œuvres complètes, édition dirigée par Jacques Seebacher et Guy Rosa, Paris, Robert Laffont, 1985, 2002, p. 40.

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