16 juillet 1860

Guernesey, 16 juillet 1860, lundi matin, 7 h. ¾

Bonjour, mon cher bien-aimé bonjour je t’aime. J’espère que tu as passé une bonne nuit et que tu te portes bien ce matin. Moi je vais très bien malgré le brouillard très épais. Mais je compte que le temps se fera beau comme hier à l’heure de midi et que nous pourrons, si le cœur et le travail t’en disent, faire un petit tour de promenade au soleil. En attendant ma pensée va et revient sans cesse de toi à moi, de moi à toi avec la même régularité que les battements de mon cœur dont mon amour est fait. C’est monotone comme le jour et la nuit se succèdent sans jamais se lasser mais c’est tout bonnement la vie. Au moment où je me retourne pour voir ta chère petite fenêtre je t’aperçois toi à ton balcon ayant l’air d’écouter la musique d’un packet [1] quelconque ! Rebonjour donc, mon cher adoré, et à bientôt je l’espère car je vois que tu te hâtes de faire ta toilette du matin pour venir travailler auprès de moi. De mon côté je vais me dépêcher de finir mon gribouillis et déjeuner au galop pour être prête quand tu viendras. Tu ne crains pas de scandaliser les grives et les merlettes en faisant tes ablutions en plein air mais tu es sûr de faire plaisir aux miss du voisinage. Ah ! Que je vous VOUEILLE montrer vos charmes aux passantes. Vous aurez affaire à moi.

BnF, Mss, NAF 16381, f. 186
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette