3 mai 1842

Mardi 3 mai [1842], 9 h ½ du matin.

Bonjour mon cher bien-aimé, comment vas-tu mon adoré, comment va notre petit enragé  ? A-t-il enfin obtenu ce qu’il désire, ou s’est-il résigné à sa mauvaise fortune, le pauvre petit ? Moi je ne peux pas encore ni m’y habituer ni m’y résigner : plus je vais et plus elle m’est insupportable, et pour peu que cela continue j’en mourrai de chagrin avant très peu de temps mais je ne veux pas t’ennuyer^a au-delà de toute mesure de mes malheurs et de mon désespoir … continuellement. Dieu sait à quel point tout cela me serait d’ailleurs parfaitement indifférent, si je n’avais pas la persuasion que cela t’empêchera, et t’empêche déjà de m’aimer comme j’ai besoin d’être aimée d’amour. Enfin il faut savoir, sinon se résigner, du moins se taire. C’est difficile quand on souffre mille morts par jour mais j’essaierai. J’ai passé une assez bonne nuit, mon Toto, il me semble que mon bain m’a ôté mes grandes douleurs d’estomac et d’entrailles. J’espère que ce ne sera plus rien aujourd’hui et que je vais être très geaie. J’ai eu un véritable chagrin hier quand tu es venu me chercher pour sortir de n’en pouvoir pas profiter. J’ai tant besoin d’air et de bonheur que c’est une véritable cruauté au bon Dieu de m’en envoyer quand je n’en peux pas profiter. Aujourd’hui il va trop sans dire que tu ne pourras m’offrir la même occasion d’hier, d’abord parce que je la prendrais au vol, ensuite parce que tu vas à l’Je me résigne à rester dans mon coin en contemplation devant ma perruque verdoyante. Je vais écrire tout à l’heure à Lambin [1] à ce sujet. En attendant je suis bien gentille, n’est-ce pas mon amour ?
Mais il faut le dire vite et de très loin. C’est aussi ce que tu fais le plus que tu peux. C’est égal je n’en suis pas moins une Juju très heureuse. Ia ia Monsire.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 9-10
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « ennuier ».