Jersey, 31 mars 1853, jeudi matin, 8 h.
Bonjour, mon bon petit homme, bonjour. Eh bien, comment es-tu arrivé hier au soir, comment vonta ta Dédé [1] et tes douleurs de cœur ? Je voudrais que tu pusses venir me dire toi-même la réponse à ces trois questions qui intéressentb ma sécurité, ma tranquillité et mon bonheur. Cependant, mon cher petit homme, si tu ne le peux pas, je tâcherai d’avoir du courage et de la patience, et je me figurerai, si c’est possible, que tout s’estc bien passé, que ta fille va mieux et que tu ne souffres plus. C’est aujourd’hui que ton Charles [2] peut revenir, s’il doit revenir avant dimanche prochain. Si son retour doit vous rendre tout à fait heureux je vous le souhaite aujourd’hui plutôt que dimanche, au risque de désespérer quelque faible cœur caennais de Caennaised de Caen, sans cancan.
Je ris, mon pauvre petit homme, pour forcer la santé et le bonheur à se mettre de la partie de ton côté. En attendant j’ai le fond de l’âme tourmenté et triste, tant que je ne t’aurai pas vuf je serai ainsi. Cela est indépendant de ma volonté et de mes NERFS tâche donc de venir le plus tôt possible et aime-moi comme si tu y trouverais quelque plaisir. De mon côté, mon cher petit homme, je suis prête à te tenir tête et cœur, sans broncher d’une adoration dans toute l’éternité.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16373, f. 327-328
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain
a) « va »
b) « intéresse ».
c) « c’est ».
d) « Caenaise »
e) « tourmentée »
f) « vue ».