Guernesey, 4 août [18]70, jeudi, 2 h. après-midi
Un fichu temps pour les régates et pour les curieux [1]. Moi qui n’ai aucun intérêt à ce genre de plaisir, je n’en aia pas non plus au déplaisir et j’en suis bien aise comme pour les épinards. Aussi vais-je m’occuper de donner un dernier requinquage à ma robe hanneton, si c’est possible. Toi, pendant ce temps là, tu te régales de Petit Georges et de Petite Jeanne. Je t’approuve et je t’en félicite. Tu auras encore ton courrierb qui probablement t’apportera des nouvelles intéressantes. Tout cela est plus qu’il n’en faut pour remplir et occuper ton cœur et ton temps aujourd’hui et tous les jours. Je n’ai pas encore reçu la réponse de mon neveu qui peut-être est déjà parti en congé de convalescence, soit pour la Bretagne, soit pour l’Allemagne, car il me paraît impossible, s’il avait reçu ma lettre d’invitation en ton nom et au mien, [qu’]il n’ait pas répondu tout de suite [2]. Cela n’a pas autrement d’importance et si je t’en parle c’est parce que cela me vient à l’idée dans ce moment-là. J’ai vu la mère Morvan ce matin et je l’ai chapitrée pour Ambroisinec [3]. Elle s’est chargée de lui donner quelques bonnes et utiles instructions au sujet de la propreté, de l’activité et de l’ordre qu’il faut qu’elle ait pour ton service. Quant à la probité, la mère Morvan en répond tout à fait. J’espère que le désir de rester chez toi et de garder cette place unique dans le monde lui donnera du cœur au ventre. Quant à moi, je ne peux que prêcher d’exemple avec Suzanne et t’aimer à moi toute seule autant que tout le monde.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 212
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « n’ai ».
b) « courier ».
c) « Embroisine ».