Guernesey, 26 juillet, [18]70, mardi, 3 h. ½ du soir
Je viens de finir ma tâche, mon cher bien-aimé, et je m’en récompense par ma chère petite restitus, ce qui est assez juste. Je viens aussi de compter avec Suzanne : le résultat final de toutes ces additions, c’est que je lui dois aujourd’hui 202 [illis], c’est-à-dire tout ce qu’elle possède pour le moment. J’espérais te faire de grandes économies pendant mon intérim mais j’ai l’humiliation de m’avouer qu’il n’en sera rien. J’avais trop compté sans le gaspillage permanent de tes chers et charmants hôtes [1]. Encore s’ils étaient toujours contents, ce ne serait que demi mal. Hier, ils paraissaient satisfaits, Dieu veuille qu’il en soit de même ce soir. Dans trois jours ce sera au tour de ta nouvelle cuisinière [2]. J’espère qu’on goûtera avec plaisir tous ses fricots, ne fût-ce que comme petit change et comme nouveauté. À ce sujet, je crois que tu feras bien dès à présent de t’occuper de son coucher. Mon avis serait qu’elle ne couche pas dehors de chez toi, car il n’est jamais bon de disséminer son personnel. Au reste, tu sais encore mieux que moi ce qu’il faut faire, ce que je t’en dis c’est en ma qualité de mouche bourdonnante [3] et de femme qui t’adore.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 203
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette