3 avril 1870

Guernesey 3 avril [18]70, dimanche matin, 6 h. ¾

Bonjour, mon grand bien-aimé, bonjour. Si tu as passé une bonne nuit, je t’en offre autant ; et si tu es déjà à ta besogne SUBLIME, moi j’ai déjà commencé ma fonction sacrée et unique t’adorer. Je crois cette fois que nous tenons le printemps pour DE BON ce qui prouve la vertu de mon grain de sel. Quel dommage que la vôtre, vertu, ne me soit pas aussi prouvée ! Prouvée ! Prouvée ! Quant à celle de ta bonne Mariette le doute n’est pas permis quand on voit sa conduite envers le pauvre M. KESLER. Hier soir encore elle a interrompu son dîner pour aller aider la mère Pingaley à nettoyer^a ce malheureux homme qui était inondé d’ordures jusqu’aux oreilles [1]. La pauvre fille en a éprouvé un tel dégoût qu’elle n’a pas pu reprendre la fin de son dîner. Le mérite de cela c’est que c’est désintéressé et que c’est d’elle-même qu’elle va au devant de ces soins rebutants pour tous ceux qui n’aiment pas… d’amour. Je l’admire et je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16391, f. 94

Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette