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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 26 août 1860, Dimanche matin 7 h

Bonjour, mon cher bien-aimé. Bonjour de tout mon amour. Eh bien ! T’es-tu bien amusé hier chez les Duverdières [1] ? Je t’ai attendu jusqu’à 11 h. moins un quart sans grand espoir de te voir, pensant bien qu’il te serait difficile, pour ne pas dire impossible, de quitter la salle du festin avant qu’il soit achevé. Je me suis couchée en t’envoyant mes plus douces tendresses mais j’ai très peu et très mal dormi, non pas à cause du festival, mais par le retour de mes trop fréquentes insomnies. A 3 h. ½ du m[atin] je me suis levée pour regarder tes fenêtres comme je le fais toutes les nuits plusieurs fois uniquement pour obéir à mon amour, idée fixe et j’ai été bien étonnée cette fois-ci de voir une lumière se promener à tous les étages de ta maison excepté au tien. J’ai pensé que c’était toi qui, venant de rentrer, faisait la visite dans ta maison et j’attendais que tu sois remonté dans ton lucoot pour saisir ta chère petite ombre au passage et l’étreindre de l’âme mais cela a été inutilement. La lumière et la personne qui la tenait ont monté et redescendu par trois fois de la salle à manger à la serre et au salon rouge et à l’étage au-dessus sans entrer dans la galerie dont je ne voyais qu’une faible lueur passer et repasser devant les deux portes vitrées. Tout cela a duré 20 minutes. La pluie tombait très fort à ce moment-là et tes fenêtres restaient obstinément noires. J’ai pensé que c’était tes fils Charles et Victor qui cherchaient quelque chose et dans mon découragement de ne pouvoir espérer te voir je suis allée me recoucher tristement sans pouvoir redormir que vers six heures et je le regrette car j’ai fait des rêves affreux. Voilà ce que c’est que d’aimer trop.

BnF, Mss, NAF 16381, f. 223
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Hugo était invité la veille au soir chez les Duverdier.

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