Paris, 30 septembre [18]77, dimanche soir, 7 h.
Comme toujours, mon grand bien-aimé, c’est toi qui pioches jour et nuit et c’est moi qui suis fatiguée, témoin ce soir où je n’ai pas grand comme çà dans mon corps qui ne soit courbaturé et douloureux. Ajoutes-y un violent mal de tête et rends-toi compte de mon complet abrutissement et ne sois pas surpris ni inquiet si tu me trouves couchée en rentrant tout à l’heure. Ce ne sera qu’à la dernière extrémité que je le ferai pour ne pas t’attrister et pour ne pas compliquer le service de la table. Tu sais que j’ai vu les Allix tantôt puisque tu les avais déjà rencontrés. J’ai profité de sa visite pour lui donner ton livre [1], ce dont il a été le plus heureux des hommes. J’en ai fait autant de ta part pour le brave Lesclide que j’ai trouvé paperassant dans ton cabinet où il est encore jusqu’à l’heure du dîner. Quant à Mme Chenay, je la crois en train de gagner les indulgences octroyées par le pape à tous les catholiques de France qui prient pour la réussite des bonnes élections prochaines [2]. En attendant, j’espère que nous vaincrons comme des diables partout et sans le secours des oremus et des sacristies. Nous verrons lequel prévaudra dans la politique de leur Dieu, d’eux ou de nous. Je t’aime dix cent mille.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 265
Transcription de Guy Rosa